Rien d'imposé, bien au contraire, mais si inattendu avec suffisamment de «merveilleux» celui qui assure l'émotion ; nous attendons quelque chose d'une œuvre, car elle en appelle à un supplément, elle promet une prime de plaisir. Merveilleux aussi par le souvenir (propre au cinéma) de la machinerie de la projection, ce rayon lumineux qui vient trouer l'obscurité ou souvenir plus lointain encore du film muet. Tel est le jeu de n'en pas croire nos yeux, d'autant plus qu'il s'agissait ici, d'ombre, de lumière, de vacillement, de songes, sans théâtre, sans affublement. Intuition confirmée aussi d'un humour qui ne dit rien spécifiquement, mais en dit long tout simplement. Je pus par la suite déceler que Michel Massi en joue moins comme procédé que comme ligne poétique, celle de l'énigme propre aux images. Je constaterai par la suite, notamment dans le projet d'installations vidéo au musée « Mr.Pétitwell occupe le terrain à Géo-Charles » que chacune des œuvres se propose comme une expérience vécue d'une présence visuelle dans la durée de leur réception et les conditions physiques de cette réception où il n'est question que du temps mouvant, enveloppé de cette pénombre ou « obscure clarté » qui incite le visiteur à se comporter en « spectateur réfléchi .» Discret, secret, loufoque et sérieux à la fois, Mr Pétitwell fit lancer tant de signaux dans la nuit pour mieux émettre ses lueurs de pensées, de poésie, de récits et fables, par la puissance cachée du geste d'apparaître/disparaître, battement fragile, provisoire, passant. Une nuit traversée d'un être luminescent, insaisissable sous notre regard émerveillé. Les installations-vidéo, je pense à « revers, 2014 » ou « déroulement décisif, 2014 » crées pour le musée ou « rémanence, 2012 » témoignent de cette recherche de l'image comme acte. Chaque installation prend position et invite à déchiffrer une possible substance de l'image. Elle désoriente, combine des durées, enchevêtre des matières. Michel Massi a l'art de cultiver l'insolence (Mr Pétitwell son double discret, facétieux, imprévisible et plein de charme) s'amuse du lieu dedans/dehors. Il est à pied d'œuvre pour intriguer et ne jamais se laisser localiser. Léger, dans un désintéressement total, de manière accidentelle, il ourdit dans le temps ses fabulettes célestes des choses terrestres et des passions humaines. Il y a aussi autre chose dans sa démarche: il y a un objet original, une pensée, un parcours qui témoigne de l'intérêt constant qu'il a accordé à la question photographique et à sa filiation avec le cinéma. Question qui n'a rien de secondaire, car elle est précisément articulée autour de l'idée de passer à travers le réel, sans cesse et de nouveau. Elle permet de vérifier à quel point il faut vivre et encore plus, c'est à dire provoquer la vie, son allégresse, redire (à la manière de P.P.Pasolini) qu'il faut « exprimer la réalité par la réalité » en faire son idole. Ce fraternel irréductible pourfendeur de «l'ordre dégradant de la horde» contre le modèle unique, exclusif qu'impose la télévision et ses marchandises, le dépérissement culturel assuré par le divertissement, pour transformer ( et Michel Massi le sait bien ) la nostalgie en force critique. Dans tout ce parcours entre photographie, vidéo et installation, Michel Massi reconnaît au récit du rêve, de la fiction, une autorité, force diagonale qui gagne en épaisseur dans le retrait, dans l'obscurité, comme une chance d'échapper aux feux des projecteurs, du vide de notre réalité contemporaine. C'est l'obstination de ce travail, la grâce que recèle tout désir qui prend forme dans tous les états de la lumière. L'image est peu de chose mais c'est aussi un arrêt sur l'éblouissement. Il ne doit pas finir le temps des survivances, il s'y emploie. Et par ricochets, ses images fixes ou mobiles, reviennent hanter ce temps qui a perdu «le pouvoir d'illuminer»