L'ESPRIT DES MERVEILLES
Soyons curieux, regardons le doigt et la lune en même temps! Regardons l'image et son envers et son commencement lance Michel Massi. Issu de la photographie sociale et du reportage, il se plaît désormais à provoquer l'équivoque. Comme à la Maison de la Photographie à Toulon où il « décompose cette machine photographie » en créant l'illusion par un dispositif in situ, des installations poétiques et des séries anciennes épinglées à même le mur « comme une peau tendue ».
Telle une fontaine étrange, Mandorle, version 1, 2016 investit l'espace central et déverse en flux continu, joyeux, un torrent de roches volcaniques. Celles-là même qui mangent la surface de ses clichés du Vésuve, aux crêtes surplombées de minuscules silhouettes de touristes. Piquets et barrières de sécurité, poubelles, panneaux : le tracé est guidé et l'image nous laisse à notre tour pétrifiés. Mais Michel Massi s'amuse et ne veut pas «figer un seul sens ».
Dans ses installations, on ne sait plus sur quel pied danser car les saynètes animées jouent les olibrius : un homme fait des allers-retours sur une ampoule mouvante, en équilibre, un autre tombe dans un trou noir et disparaît dans le mur. C'est Monsieur Pétitwell, personnage fragile mais vivant grâce à la capacité de la photographie à mettre en mouvement. Jacques Tati ne l’aurait sans doute pas renié ! Dans sa série Fables, objets, jouets, insectes et figurines de plomb, mis en scène au premier plan, gardent un tracé net et précis tandis que le sable en arrière plan nimbe l’horizon d'un flou lointain. Pas de secrets, « tout est fabriqué, concède Michel Massi, c'est un monde fictionnel à part entière, des éléments composés de manière intuitive qui forment un tableau d'histoires ».
Une évidente continuité formelle lie ces narrations sensibles et inventives, qui nous transportent au temps des premiers explorateurs du cinéma muet.
Marie Godfrin-Guidicelli